En droit français, le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts est le régime matrimonial par défaut lorsque les époux ne signent pas de contrat de mariage. Cela signifie que tout bien acquis ou constitué pendant le mariage est en principe un bien commun. Toutefois, il existe des exceptions à ce principe, notamment pour les biens acquis avant le mariage ou reçus pendant celui-ci par donation ou succession.
Lorsqu’un époux crée une société durant le mariage, il est essentiel d’analyser la provenance des fonds et les conditions dans lesquelles cette société a été constituée pour déterminer si les parts sociales de la société sont un bien commun ou un bien propre à l’époux.
Principe général : biens acquis ou constitués pendant le mariage
Selon l’article 1401 du Code civil, les biens acquis pendant le mariage sont en principe des biens communs, sauf si ces biens proviennent d’une succession, d’une donation ou ont été acquis avant le mariage. Cela s’applique également aux parts sociales d’une société créée pendant le mariage : si les fonds utilisés pour constituer la société sont des biens communs, la valeur des parts sociales sera également considérée comme un bien commun.
Toutefois, les situations varient en fonction des circonstances de création de la société. Voyons cela à travers deux exemples concrets.
Exemple 1 : Société constituée avant le mariage avec un apport en capital libéré après le mariage
Imaginons qu’un époux constitue une société avant son mariage. Il fait un apport en capital. Cet apport n’est libéré qu’au moment de l’immatriculation de la société, qui intervient après la célébration du mariage.
Dans ce cas, la situation est complexe. Le fait que la société ait été créée avant le mariage suggère que les parts sociales pourraient être un bien propre à l’époux. Cependant, comme l’apport en capital a été réalisé après le mariage avec des fonds communs, la valeur des parts sociales devient un bien commun.
Toutefois, l’époux peut demander une récompense au profit de la communauté. En effet, la communauté a financé l’apport en capital et, à ce titre, elle doit recevoir une contrepartie lors du partage des biens. Ainsi, bien que les parts soient communes, une récompense sera due à la communauté pour la contribution des fonds communs.
En effet, en l’absence de remploi, la valeur des parts doit être inscrite à l’actif de la communauté, les parts sociales ne naissant qu’au jour de l’immatriculation.
Toutefois, si l’apport a été consigné en banque avant le mariage, on est certain que le patrimoine propre de l’époux s’est appauvri au profit de la communauté. Il aura donc droit à une récompense.
Exemple 2 : Société constituée pendant le mariage avec un apport d’un fonds de commerce reçu par donation
Dans cet autre exemple, un époux crée une société pendant le mariage, en apportant à celle-ci un fonds de commerce qu’il a reçu par donation, sans déclaration de remploi (c’est-à-dire sans déclaration que l’apport provient d’un bien propre).
Dans ce cas, bien que la société soit constituée pendant le mariage, la valeur des parts sociales est un bien propre de l’époux. En effet, le fonds de commerce ayant été reçu par donation, il constitue un bien propre, conformément à l’article 1405 du Code civil. Si ce fonds est apporté à la société en échange de parts sociales, ces parts sociales deviennent également un bien propre, car elles sont le fruit de ce bien propre initial.
En application de l’article 1406 du code civil, les parts sociales sont automatiquement subrogées au bien apporté en nature, les formalités du remploi ne sont donc pas nécessaires.
Conseil
Dans les autres cas, il est primordial de faire une déclaration de remploi lorsque l’on souhaite que des biens propres restent identifiés comme tels, même lorsqu’ils sont réinvestis pendant le mariage, par exemple dans une bien immobilier. En l’absence de cette déclaration, les biens acquis ou constitués avec ces fonds propres pourraient être assimilés à des biens communs, en raison de la présomption de communauté des biens acquis pendant le mariage.
Préserver les intérêts de chacun lors de la création d’une société ou la rédaction d’un contrat de mariage
Il existe plusieurs moyens pour les époux de protéger leurs intérêts respectifs ou ceux de la communauté, selon les objectifs qu’ils souhaitent atteindre, lorsqu’ils envisagent la création d’une société ou la mise en place d’un contrat de mariage.
Tout d’abord, la rédaction d’un contrat de mariage permet de définir un cadre clair et sécurisé pour les biens acquis avant ou pendant le mariage. Par exemple, les époux peuvent choisir un régime de séparation de biens, dans lequel chaque époux reste propriétaire de ses propres biens, y compris ceux constitués pendant le mariage. Cela permet à l’époux qui crée une société de conserver la pleine propriété de celle-ci, sans risquer un partage en cas de divorce.
Ensuite, même dans le cadre du régime de la communauté, il est possible d’inclure des clauses spécifiques dans les statuts de la société ou dans une convention d’indivision pour prévoir une gestion équitable des parts sociales. Par exemple, les époux peuvent intégrer des déclarations de remploi pour préciser que certains apports sont faits avec des fonds propres, protégeant ainsi la valeur de ces apports en cas de séparation.
Enfin, pour les époux qui souhaitent préserver les intérêts de la communauté, des solutions comme la création d’une société à deux peuvent être envisagées, permettant une répartition des parts sociales dès la création de l’entreprise et une co-gestion des intérêts financiers.
Il est essentiel de se faire accompagner par un avocat en droit de la famille et en droit des sociétés pour anticiper les conséquences juridiques et patrimoniales liées à la création d’une entreprise ou à la gestion des biens du couple. Que ce soit pour protéger un patrimoine personnel ou garantir une gestion équitable au sein du couple, des solutions existent pour s’adapter à la situation de chacun.
Conclusion
La question de savoir si une société constituée par un époux marié sous le régime de la communauté est un bien commun ou non dépend des circonstances précises de sa création et des apports réalisés. Si la société est créée pendant le mariage avec des fonds communs, la valeur des parts sociales est en principe un bien commun, avec la possibilité d’une récompense si des biens propres ont contribué à la création de la société. En revanche, si la société est constituée avec des biens propres, comme dans le cadre d’une donation ou d’une succession, la valeur des parts sociales demeure un bien propre.
Il est donc primordial de bien analyser chaque situation afin de déterminer les droits de chaque époux en cas de divorce, et de veiller à ce que les déclarations de remploi soient correctement effectuées lorsqu’un bien propre est réutilisé pour constituer une société. Si vous êtes dans une situation similaire, il est recommandé de consulter un avocat spécialisé en droit de la famille pour obtenir un conseil personnalisé.
Carole DORE-ONROZAT, avocate, est là pour vous informer, vous guider et vous soutenir dans toutes vos démarches juridiques et choix de procédure efficace, adaptée à votre situation, avec expertise et engagement.