Les Incidences Fiscales du Paiement de la Prestation Compensatoire
La prestation compensatoire, versée lors d’un divorce pour compenser la disparité de niveau de vie entre les ex-époux, peut avoir des conséquences fiscales importantes. Le mode de versement de cette prestation – qu’il soit effectué en capital sur une période inférieure ou supérieure à 12 mois – détermine les avantages fiscaux qui peuvent en découler.
Deux arrêts récents du Conseil d’État, celui du 14 octobre 2020 n° 42102 et du 06 mai 2024 n° 489532, clarifient ces règles fiscales, notamment concernant les réductions d’impôt.
Le Cadre Général de la Fiscalité de la Prestation Compensatoire
La prestation compensatoire peut être versée sous deux formes principales : en capital ou sous forme de rente. C’est le mode de versement qui détermine les conséquences fiscales :
- Paiement en capital : Lorsqu’elle est versée sous forme de capital, la prestation compensatoire peut être versée soit en une seule fois, soit échelonnée sur une durée maximale de 8 ans (par un juge) ou davantage (à l’amiable).
- Paiement sous forme de rente : Lorsque la prestation est versée sous forme de rente, elle est soumise à l’impôt sur le revenu pour le bénéficiaire, tandis que celui qui la verse peut la déduire de son revenu imposable.
Les Incidences Fiscales du Paiement en Capital
L’administration fiscale prévoit des avantages particuliers pour les prestations compensatoires versées en capital. Si la prestation est versée sur une période inférieure ou égale à 12 mois, le débiteur peut bénéficier d’une réduction d’impôt égale à 25 % des sommes versées, dans la limite de 30.500 euros, conformément aux dispositions de l’article 199 octodecies du Code Général des Impôts. Cela représente un avantage fiscal non négligeable pour le débiteur.
https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000042907654
Cependant, si la prestation est versée sur une période supérieure à 12 mois, cette réduction d’impôt n’est plus applicable. Le débiteur perd alors le bénéfice de cet avantage fiscal.
Pour plus d’informations sur la réduction d’impôt : BOI-IR-RICI-160-20120912.
L’Arrêt du Conseil d’État du 14 octobre 2020 n° 42102 : La Durée du Paiement et la Réduction d’Impôt
Les versements correspondant à une prestation compensatoire effectués sur une période supérieure à douze mois à compter du jugement ou de la convention de divorce déductibles à ce titre du revenu imposable, ne peut s’entendre que de ceux qui l’ont été conformément aux modalités de paiement fixées par le juge.
Dans cet arrêt, le Conseil d’État a rappelé l’importance du respect du délai de 12 mois pour bénéficier de la réduction d’impôt. Cette règle avait été illustrée dans un cas où le juge avait expressément exclu le versement fractionné de la prestation compensatoire sur une période supérieure à douze mois.
L’Arrêt du Conseil d’État du 6 mai 2024 n° 489532 : La Distinction entre Versement Unique et Versement Fractionné
Dans une autre espèce, il a été jugé que lorsque les modalités de versement de la prestation compensatoire n’ont pas été déterminées par le juge, le capital est réputé dû « immédiatement », sans possibilité de déduction pour le débiteur, quand bien même la somme aurait été versée sur plusieurs années notamment en raison de difficultés financières.
https://www.doctrine.fr/d/CE/2024/CE501A7546865A1799BA6E
Synthèse des Décisions : Points Clés à Retenir
Les arrêts du Conseil d’État permettent de clarifier les règles applicables en matière d’incidences fiscales du paiement de la prestation compensatoire en capital. Voici les principaux enseignements à retenir :
- Pour bénéficier de la réduction d’impôt : Le débiteur doit verser la totalité de la prestation compensatoire en capital dans un délai de 12 mois à compter du jour où le jugement de divorce est devenu définitif.
- Fractionnement des paiements : Le paiement peut être fractionné en plusieurs échéances, sans que cela prive le débiteur de la réduction d’impôt, à condition que l’intégralité du capital soit versée dans ce délai de 12 mois.
- Dépassement du délai de 12 mois : Si le délai de 12 mois est dépassé, même de quelques jours, le débiteur perd le bénéfice de la réduction d’impôt.
Conseils Pratiques pour les Justiciables et les Débiteurs de la Prestation Compensatoire
Pour éviter tout litige fiscal et maximiser les avantages fiscaux liés à la prestation compensatoire, il est essentiel de bien planifier le versement de celle-ci :
- Anticiper les paiements : Assurez-vous que l’intégralité de la prestation compensatoire en capital soit versée avant l’expiration du délai de 12 mois. Ce respect strict du délai est fondamental pour préserver la réduction d’impôt.
- Vérifier les modalités de versement : Même si le versement est fractionné en plusieurs échéances, veillez à ce que l’ensemble des paiements soit réalisé dans les 12 mois suivant le jugement de divorce.
- Recours à un avocat : Dans le cadre d’un divorce, faire appel à un avocat peut vous permettre de structurer les modalités de versement de manière à bénéficier des avantages fiscaux, tout en veillant au respect des obligations légales et fiscales.
Conclusion
Le versement de la prestation compensatoire a des incidences fiscales importantes, notamment lorsqu’elle est versée en capital. Les arrêts du Conseil d’État du 14 octobre 2020 n° 42102 et du 06 mai 2024 n° 489532 rappellent que le respect du délai de 12 mois est essentiel pour bénéficier de la réduction d’impôt prévue par la législation fiscale. Que vous soyez débiteur ou créancier d’une prestation compensatoire, il est indispensable de bien comprendre ces règles pour éviter des litiges fiscaux et optimiser votre situation financière.
Si vous avez des questions sur les modalités de versement de la prestation compensatoire ou sur ses incidences fiscales, notre cabinet est à votre disposition pour vous conseiller et vous accompagner.
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